Actualités

Troubles des conduites alimentaires chez les jeunes : "Il faut libérer la parole"

le 02/06/2021

Dans le cadre de la Journée mondiale des troubles des conduites alimentaires le 2 juin, Victoire Maçon Dauxerre, ex-mannequin et auteure du livre Jamais assez maigre : journal d’un top model, témoigne de son expérience pour sensibiliser les jeunes à ces troubles.

Première Journée nationale des troubles des conduites alimentaires
Journée nationale des troubles des conduites alimentaires

Les troubles des conduites alimentaires (TCA), dont les principaux sont l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie boulimique, toucheraient de plus en plus de jeunes en France. Selon l’Assurance maladie, environ 1,2 % des femmes et 0,2 à 0,3 % des hommes seraient concernés par l’anorexie mentale, avec un pic d’apparition entre 13-14 ans et 16-17 ans. La boulimie, quant à elle, concernerait 1,5 % des 11-20 ans. Dans le cadre de la Journée mondiale des troubles des conduites alimentaires le 2 juin, Victoire Maçon Dauxerre, ex-mannequin et auteure du livre Jamais assez maigre : journal d’un top model, témoigne de son expérience pour sensibiliser les jeunes à ces troubles.

Vous êtes ex-mannequin et avez décidé de prendre la parole sur un problème de société, le culte de l’image et particulièrement celui de la maigreur dans le mannequinat.

Les troubles des conduites alimentaires sont un vrai problème de santé publique, particulièrement chez les jeunes entre 15 et 25 ans. Il est donc absolument nécessaire de les sensibiliser à plusieurs égards. Je suis tombée dans l’anorexie lorsque je suis arrivée dans le monde de la mode, j’avais 17-18 ans. Je faisais 48 kilos pour 1 m 80. Je n’étais jamais assez mince pour les défilés et, paradoxalement, on retouchait mes photos pour gommer mes os apparents et pour accentuer ma poitrine… C’est un milieu extrêmement dur et déshumanisant que j’ai souhaité dénoncer. J’ai souffert pendant huit ans de TCA, mais je m’en suis sortie avec l’aide de médecins. En témoignant de mon expérience, j’espère pouvoir sensibiliser les jeunes, ce serait-ce qu’en les encourageant à libérer leur parole pour qu’ils puissent être aidés à leur tour.

Croyez-vous que, ces dernières années, l’image de la femme et de l’homme s’est diversifiée ? Est-ce que les réseaux sociaux n’auraient pas imposé un nouveau diktat, notamment avec l’usage des filtres qui ont pour vocation d’effacer les imperfections et d’enjoliver la réalité ?

Le pouvoir de l’image sur les adolescents peut être très destructeur, c’est pourquoi il est essentiel de rappeler que, très souvent, ce n’est pas la réalité ! On vend un message de perfection qui n’existe pas. C’est pour cette raison que je n’achète plus de magazines féminins depuis des années. En revanche, il y a des efforts qui sont faits. Certaines grandes marques utilisent des femmes et des hommes aux corps de plus en plus diversifiés, avec différentes formes et couleurs de peau. Sur les réseaux sociaux, c’est à double tranchant. Il y a de plus en plus de voix qui s’élèvent pour dénoncer le culte de la maigreur et d’une soi-disant perfection, de personnes qui exposent leur vulnérabilité et qui parlent de santé mentale. D’un autre côté, les jeunes vont souvent suivre des modèles qui vont alimenter la comparaison et le jugement de soi… Il faut être attentif à la manière dont on nourrit notre cerveau !

Est-ce que les troubles des conduites alimentaires sont encore tabous aujourd’hui ?

On en parle de plus en plus, notamment en ce moment avec la crise sanitaire qui a exacerbé les troubles psychiques chez les jeunes. Il y a de plus en plus de TCA, d’addictions et de dépressions. Malgré tout, c’est encore très tabou en France. Il y a beaucoup d’idées reçues sur les troubles des conduites alimentaires, mais aussi sur le rôle du psychiatre, du psychologue et des instituts qui prennent en charge les jeunes qui souffrent de TCA. Il faut informer et parler des troubles psychiques sans tabou, car la peur vient de la méconnaissance. Il est essentiel que les jeunes puissent aller chercher de l’aide sans avoir honte.

Vous souhaitez apporter des solutions concrètes et accessibles à la jeunesse pour les sensibiliser aux TCA.

Durant la crise sanitaire, j’ai reçu énormément de messages de jeunes qui me posaient beaucoup de questions. Je me suis rendu compte que, très souvent, ils ne savent pas où trouver des réponses. J’ai comme projet de développer une application mobile pour détecter et prévenir les troubles psychiques et pour faire le lien avec des médecins, en collaboration avec Ramsay Santé. J’ai aussi créé un site Internet avec Macha Jauvert, une amie qui a aussi souffert de TCA. Il s’agit de hellopsycho.fr, qui est une véritable boîte à outils avec des fiches infos sur chaque maladie et des techniques qui nous ont aidées, par exemple si on se sent anxieux ou pour ne pas succomber à une crise de boulimie. Le site dans son intégralité a été relu par cinq psychologues. Je m’engage aussi sur les réseaux sociaux à déstigmatiser la santé mentale en donnant la parole à des personnes qui souffrent de troubles psychiques ou à des médecins. Quand j’étais au plus mal, je ne pensais pas être capable de m’en sortir, mais c’est possible avec l’aide de médecins. Il faut en parler, c’est la clé.